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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 15:06

agami.trompette.miga.2g                                                                      "SIMEN' AGANMI" du 24 juin 2012 au 30 juin 2012

 

A propos des évènements qui se sont produits entre une bande armée et des militaires français dans la région de Dorlin en Guyane.

 

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Il s'agit de bien comprendre les choses telles qu'elles existent réellement dans cette région de Guyane que je connais car j'y suis allé plusieurs fois.

  1-  Dorlin est un immense espace  isolé comme l'est 80% du territoire Guyanais qui souffre depuis des siècles d'un manque de voies de communication. C'est donc par définition, un bout de Guyane qui nous est "interdit" par les effets toujours présents de la politique coloniale française se traduisant entre autre par: beaucoup de voitures sur la côte mais pas de routes à l'intérieur de notre pays

 

 2-Les  2000 orpailleurs clandestins qui  sont installés à Dorlin, ne comptent pas dans leurs rangs des criminels prêts à affronter les militaires français au fusil d'assaut. Ils sont là pour chercher de l'or il doivent en payer la dime à des maitres hors de portée de toute répression, et sont souvent traités par ces derniers, comme des esclaves.  La plupart de leurs maigres revenus, s'évapore dans l'alcool, et les prostituées et dans de petits trafics courants.

 

 3-Ce qu'il faut savoir aussi,  c'est que dans cette région, deux groupes mafieux d'une trentaine de personnes se sont affrontés pendant des mois pour asseoir leur suprématie sur les nombreux chantiers d'orpaillage clandestins et en prendre le contrôle principalement sur la collecte des rançons que doivent verser les orpailleurs pour garantir leur sécurité face à Harpie mais aussi face à d'autres bandes de brigands. Un des groupes mafieux a été décimé de manière très violente en début d'année par celui , qui aujourd'hui, fait la loi à Dorlin ces jours ci, en prouvant que les orpailleurs sont bien protégés suite à ce fait d'armes violent qui a entrainé la mort de deux gendarmes et en blessant plusieurs autres.

 

4- il s'agit donc d'un incident grave entre des militaires français et une bande armée par des mafieux qui exploitent, et malmènent des orpailleurs clandestins qui travaillent dans des conditions innommables et qui sont régulièrement rançonnés à Dorlin. Tout cela se passe sans que l'Administration française s'en émeuve

 

5-Cet incident révèle:

 

Que l'Etat français ne peut en Guyane, protéger les populations qui sont régulièrement les victimes de bandes mafieuses qui passent leur temps à pratiquer toutes sortes d'exactions, que son droit en principe condamne.

 

Que les opérations "harpie" ne donnent pas les résultats prônés par le Gouvernement. Une lutte  militaire contre l'orpaillage clandestin est illusoire car aucune armée au monde ne viendra à bout de ceux qui utilisent la misère pour exploiter des milliers de gens. D'ailleurs les autorités françaises avouent n'avoir saisi que 2 kg d'or depuis janvier 2012 et 11 kg en 2011. L’aveu d'un responsable fait clairement dire que ceux qui "combattent" les installations clandestines ne connaissent pas le terrain.

 

Que les opérations Harpie à elles seules mettent aussi en danger la population guyanaise alors que celle ci ne se sent pas impliquée dans un tel processus. Ces opérations alimentent un climat de méfiance entre nous et nos voisins brésiliens et surinamiens car ces populations sont bien souvent stigmatisées.

 

Que l'Etat français en choisissant le tout répressif contre les garimpéros, fait croire que c'est la solution principale, alors que d'autres dispositifs moins spectaculaires mais plus positifs sont absents et rejetés. Ils pourraient être mis en œuvre pour contrecarrer les effets négatifs de la clandestinité telles: la pollution par le mercure, l’infestation de régions entières par la malaria, la prostitution, les trafics en tous genre, le pillage de l'or, les règlements de compte.

  

C'est pour cela que l'Association des Communes Minières qui rassemble 12 communes de Guyane préconise un encadrement administratif des clandestins au lieu de les considérer comme des parias et les poursuivre en forêt sans obtenir des résultats probants. Ce tout répressif contre productif ne permet pas d'installer un vrai climat de confiance lors des discussions inter frontalières tenues entre les interlocuteurs officiels de l'Etat brésilien et ceux de la France. Pour donner un exemple, savez vous qu'un brésilien n'a pas besoin de visa pour se rendre à Paris mais qu'il lui est interdit de traverser l'Oyapock pour se rendre à Saint Georges s'il n'a pas de visa ? Savez vous qu'un brésilien résident à Paris ne peut pas rendre  visite à sa famille à Cayenne sans visa. Cette situation parmi tant d'autres stupidités, plombe les discussions inter frontalières entre la France et le Brésil avec les conséquences que nous savons pour la Guyane.

 

 Dans sa pratique inconséquente du tout répressif l'Etat Français a durci les conditions d'obtention des permis d'exploiter les zones aurifères par des orpailleurs guyanais qui ne sont aujourd'hui qu'une dizaine alors qu'ils étaient plus d'une centaine, il y a encore 10 ans.

 

 L'application du SDOM contre l'avis unanime des élus de Guyane et des organisations représentatives de la profession aurifère,  a laissé le champ libre aux clandestins puisque pendant la période d’élaboration du Schéma Départemental d'Orientation Minière (SDOM) toutes les demandes de permis d'exploitation légale étaient gelées. Dans ses résolutions l'Association des Communes Minières de Guyane dont je suis le coordinateur, a demandé aux Services de l'Etat que soient levées les contraintes auxquelles sont soumis les orpailleurs artisans guyanais.

 

Que l'Etat Français ne pouvant ignorer la situation existant à Dorlin ; situation qui s'était sérieusement dégradée au début de cette année (plusieurs assassinats  de garimpeiros) a mis en danger la vie des gendarmes chargés de lancer une opération dans cette région. Les personnes décédées sont donc les victimes d'un système qui prend à la légère  notre situation en Amazonie

 

 Les évènements graves de ces derniers jours doivent permettre d'aborder les questions les plus fondamentales touchant notre pays la Guyane qui dans bien des cas sert de monnaie d'échange sur le plan international. Dans ces conditions le gouvernement français se sert de la Guyane comme d'une maison de passe et lorsqu'il parle de coopération régionale avec le Brésil ou le Surinam il fait en réalité de la coopération entre Etat pour le seul bénéfice des protagonistes d'une politique d'exploitation et d'aliénation des populations de la  colonie que nous sommes.     

Mais au fait combien de guyanais savent où se trouve Dorlin? Et Combien s'en préoccupent ?  Dans quel état d'indifférence la colonisation française nous a plongés à propos de notre propre pays...

   

Alain MICHEL

militant anticolonialiste guyanais  

 

 

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