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14 novembre 2012 3 14 /11 /novembre /2012 23:12

La fin des cases du Mwa-Ka

13 Novembre 2012 By   lolitrash 

C’est La 1ere Nc qui a relate l’info ce matin : A cinq heures, ce mardi, les forces de l’ordre sont intervenues pour évacuer les cases du Mwa-Ka installées illégalement depuis le 24 septembre dernier.

Les occupants des cases de la Baie de la Moselle à Nouméa ont été réveillés par l’arrivée d’un bulldozer. Après avoir évacué les personnes qui dormaient à l’intérieur des cases, les forces de l’ordre ont fait procéder à la démolition des cases. Il n’ y a pas eu d’ échauffourées, probablement à cause de l’effet de surprise. Mais de nombreuses réactions sont à prévoir dans la matinée. Le maire de Nouméa , Jean Lèques était présent lors de l’intervention.

Les plus leve tot ont meme pu voir les camions chargé avec ce qu’il restait des cases escorté par les flics passer et quitter le centre ville….Les premieres reactions/infos qui fusent c’est : “Environ 30 millions pour détruire les cases. La moitié presque en assurance pour prévenir des blessures et des dégâts causés sur les engins pendant la démolition.

Certains diront hors de prix ! Mais dites vous bien que les protagonistes de cette démolition risquent gros (voiture peut être même maison brûlée) et que certains ont déjà une protection policière depuis une semaine autour de leur domicile…

En attendant à ceux qui parle de coutume et de parole je crois qu il y a eu un tel mépris pour le respect de la coutume et des traditions que beaucoup de personnes peuvent se réjouir de cette démolition.

Si il y a des représailles il ne faudra pas assimiler quelques casseurs sans valeurs à une globalité.”

 


 

 

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13 novembre 2012 2 13 /11 /novembre /2012 09:18

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Communiqué GARR, MOM

Reprise des expulsions vers Haïti depuis la Guyane

Depuis le 14 octobre 2012, au moins douze ressortissants haïtiens ont été placés au centre de rétention administrative en vue de leur expulsion vers Haïti.

Parmi eux, un Haïtien dont la naissance de son enfant français est prévue début décembre, un homme de 50 ans vivant en Guyane depuis 1998 auprès de sa soeur de nationalité française et n’ayant plus d’attache en Haïti ou encore un jeune homme ayant déposé le matin même une demande d’asile à la Préfecture de Guyane.

Deux semaines auparavant, la Guyane appliquait toujours le moratoire mis en place suite au séisme de janvier 2010. Les reconduites de personnes d’origine haïtienne étaient effectivement suspendues jusqu’alors par solidarité envers le peuple haïtien.

Tout comme le Préfet de Guadeloupe en juillet 2011, le Préfet de Guyane se serait engagé, dans ce nouveau cadre, à renvoyer uniquement les Haïtiens sans charge de famille et « non vulnérables ». Ces engagements n’ont, malheureusement, pas été tenus en Guadeloupe - où de nombreux pères de famille, personnes âgées et malades ont été expulsés vers Haïti - ce qui laisse craindre, qu’en Guyane également, les autorités françaises expulsent des personnes vulnérables et protégées de ces mesures d’éloignement par le droit français.

La fin de la suspension des éloignements depuis la Guyane intervient au moment même où Haïti - qui continue à gérer douloureusement les effets catastrophiques du séisme du 12 janvier 2010 [1] - doit panser le passage dévastateur de la tempête Sandy qui a provoqué de nombreux morts et aggravé davantage encore la situation sanitaire et sociale du pays. Un premier bilan fait état de la destruction de nombreuses denrées alimentaires entraînant une possible famine, la destruction d’habitations laissant près de 20 000 personnes supplémentaires sans abri et une aggravation de la crise sanitaire laissant craindre une augmentation de l’épidémie de choléra déjà présente [2].

Une question parlementaire, adressée à l’ancien gouvernement en mars 2012 puis relancée auprès du nouveau gouvernement en août, sollicite les raisons de la reprise des éloignements vers Haïti depuis les Antilles françaises. Or à ce jour, aucune réponse n’a été fournie à nos élus.

Nos associations s’alarment de cette reprise, d’autant plus dans un contexte de nouvelle catastrophe naturelle ayant ravagé ce pays. Aussi, nous continuons de réclamer l’arrêt total des éloignements vers Haïti et son respect par l’ensemble des préfets.

Cayenne, Paris, Port au Prince,

8 novembre 2012

Organisations signataires :

 

En France :

Collectif migrants outre-mer (MOM) : ADDE (avocats pour la défense des droits des étrangers)/AIDES/ CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement)/ Cimade (service oecuménique d’entraide)/ Collectif Haïti de France/ Comede (comité médical pour les exilés)/ Gisti (groupe d’information et de soutien des immigrés)/ Elena (les avocats pour le droit d’asile)/ Ligue des droits de l’homme/ Médecins du monde/ Mrap (mouvement français contre le racisme et pour l’amitié entre les peuple)/ Secours Catholique/ Caritas France

 

En Haïti :

GARR (Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés

[1] 300 000 personnes vivent encore sous des abris de fortune selon le Collectif d’Organisations haïtiennes pour la Défense du Droit au logement

[2] Le Monde, 31/10/2012.

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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 08:57

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L’objet principal de cet ouvrage consiste dans l’analyse des relations structurelles pouvant exister entre : Yovodah, Résister, Panafricanisme et Renaître.

A partir de ces quatre éléments structurants, il s’agit de construire une grille autonome de connaissance de notre propre histoire contemporaine ; d’en tirer toutes conséquences stratégiques utiles à l’efficacité de l’action panafricaniste.

Mais, avant d’aborder cet objet crucial, il a fallu déblayer le terrain de l’analyse, afin d’en éliminer certaines sources insidieuses du bruit idéologique eurocentriste qui encombre le chemin intellectuel d’une appréhension Juste et Vraie de notre propre histoire ; celle de nos Ancêtres, celle du Peuple Noir.

1/ Esclave - esclavage

Au nombre de ces sources de bruit, il y a les concepts d’esclave, esclavage ; ainsi qu’une tenace calomnie selon laquelle les Africains se seraient vendus eux-mêmes aux esclavagistes étrangers. En fait, 3 chapitres du livre sur les 4 qu’il comporte ont été consacrés à l’évacuation des interférences idéologiques eurocentristes. Lesquelles interférences ont été analysées selon une grille comportant : Esclave, Esclavage, Résistance, Panafricanisme.

- esclave : est esclave, l’homme qui est juridiquement la propriété d’un autre homme.

- esclavage : l’esclavage désigne un contexte social où la loi autorise l’appropriation de l’homme par l’homme.

Une société n’est pas esclavagiste si sa loi (ou ses us et coutumes) n’autorise pas la propriété de l’homme sur l’homme. En toute rigueur, une telle société ne connaît pas le statut juridique d’esclave. Par conséquent, des sociétés africaines ancestrales, notoirement connues pour ne pas avoir été esclavagistes, ne pouvaient pas avoir promu la vente de leurs propres ressortissants aux négriers arabes ou européens. En effet, l’anthropocentrisme millénaire des civilisations négro-africaines interdit toute réduction de l’homme à la condition juridique de bien meuble.

2/ Esclavage - Résistance

Il y a tout lieu de penser que ces sociétés africaines anthropocentriques, non-esclavagistes, ont refusé – autant qu’elles le pouvaient - l’irruption en leur sein du droit de propriété de l’homme sur l’homme. Elles y ont été contraintes par la force supérieure de protagonistes étrangers – avec des complicités locales – qui avaient un intérêt évident à transformer le Peuple Noir en un troupeau de bêtes de somme pour Blancs.

Ainsi, T3 Km.t, l’une des plus anciennes sociétés politiques négro-africaines documentées, n’était pas esclavagiste au cours de ses trois mille ans d’histoire souveraine. Quant à Mande et à Kongo-dya-Ntotila, ces vastes fédérations politiques limitrophes de l’océan Atlantique, si brillantes et prospères

avant la ruée négrière européenne ; elles ont été saccagées par les assauts répétés des esclavagistes étrangers : leurs populations vaincues, razziées, déportées, « bois d’ébénisées ».

3/ Résistance – Panafricanisme

Ces populations africaines, assaillies par « la férocité blanche », n’ont cessé de s’y opposer de toutes leurs forces : partout et tout le temps que dura ce Yovodah. Au fond, le refus viscéral de l’esclavage du Nègre au profit des Blancs est la source historique primordiale du Panafricanisme.

Ce refus viscéral, quelles que soient les formes qu’il revêt, est ce qui se dit « Résistance ». En sorte que l’histoire contemporaine du Peuple Noir est bel et bien une histoire de Résistance. Aussi, le Panafricanisme en est-il l’expression idéologique radicale ; consubstantielle. Séculaire.

4/ Un paradigme historiographique maâtique

De ce qui précède, il résulte que le concept de Résistance est incontournable pour une connaissance scientifique rigoureuse de l’histoire du Peuple Noir. En somme, Yovodah, Résister, Panafricanisme, Renaître constituent ensemble les paramètres fondamentaux d’une matrice d’analyse féconde de l’histoire du Peuple Noir pris d’assaut par la cupidité morbide d’esclavagistes-impérialistes étrangers. Cette matrice d’analyse configure un paradigme historiographique dont on peut dire qu’il est maâtique, au sens où il est profondément tendu vers un idéal de Vérité-Justice-Paix.

Pour autant, dans la perspective de cet ouvrage, la mobilisation d’un tel paradigme historiographique exprime, d’une part une volonté indéfectible d’autonomie de pensée, dont l’usage du terme « Yovodah » dans l’intitulé est particulièrement emblématique. D’autre part, une préoccupation stratégique majeure, qui consiste à transformer l’énergie de résistance panafricaine en activités concrètes pour la renaissance panafricaine ; dans un contexte géostratégique international marqué par le déclin de « la suprématie blanche ».

***

Le Panafricanisme, en tant qu’éthique de la résistance, a fait largement ses preuves au cours des siècles précédents. Dorénavant, il s’agira plus que jamais de promouvoir tout son potentiel de renaissance civilisationnelle du Peuple Noir. Or, à cet égard, le projet confédératif des « Etats-Unis d’Afrique » est on ne peut plus pertinent : comme une alternative géostratégique innovatrice, conçue par les panafricanistes, pour la reconquête totale de la souveraineté politique du Peuple Noir.

Notre ouvrage se veut une invitation pressante à explorer tous les horizons du panafricanisme en tant qu’alternative géostratégique féconde, autonome, prometteuse. Au demeurant, ce livre ouvre une séquence de publications qui sera principalement dédiée aux modalités de mise en oeuvre efficace des principes fondamentaux du panafricanisme, en vue d’une Renaissance civilisationnelle du Peuple Noir.

KLAH Popo

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LE YOVODAH remplace L'ESCLAVAGE *

«Les particularités et les caractéristiques essentiellement raciales et atroces observées aux dépens de l'Afrique, des Africains et des Peuples Noirs, dès les années 1400 jusqu'à la fin du XIXème siècle, font de la traite négrière transatlantique et la Déportation des Africains, un phénomène spécifique. Le mot esclavage dont le sens et les pratiques sont familières à toute la race humaine depuis les temps  immémoriaux jusqu'à nos jours, n'englobe la spécificité de la traite négrière transatlantique et la Déportation des Africains par des Occidentaux.

Le mot «esclavage» tend délibérément à faire méconnaître les particularités atroces, cruelles et raciales de la traite négrière transatlantique et la Déportation des Africains. dont les victimes sont désignées exclusivement par la couleur noire de leur peau et leurs origines africaines.

Les historiens (...) seront d'accord avec nous pour dire et écrire que, jamais l'Histoire de l'humanité n'a enregistré une tragédie humaine sélective aussi grande dans son ampleur, aussi longue dans sa durée et aussi cruelle et cynique dans sa pratique.

Les historiens noteront également avec nous que cette tragédie humaine sélective a été entreprise et mise en pratique durant plus de quatre siècles, par l'Europe, des Européens et des Occidentaux (les Blancs ), au détriment de l' Afrique et des Africains. C'est pour ces motifs que nous avons trouvé juste et correct de désigner le phénomène de la traite négrière transatlantique par un mot qui exprime, à la fois l'identité de l'entrepreneur et la nature de son entreprise. L'entrepreneur est le Blanc européen et son entreprise est cruauté pure. D'ailleurs, les populations africaines victimes de cette tragédie l'ont désignée par un mot, «Le YOVODAH », qui n'est pas à confondre avec le mot «Kanoumon» qui signifie, lui, esclave.

En effet, dans une langue africaine la langue Fon (au Bénin, Dahomey), « YOVO » signifie le Blanc européen; «DAH» signifie cruel ou cruauté. YOVODAH est, dans la langue des victimes africaines, l'expression utilisée pour désigner cette cruauté blanche européenne aux dépens de l'Afrique, des Africains et des peuples Noirs du monde entier. De même que les mots Holocauste et Shoah désignent des souffrances spécifiques aux peuples juifs, nous souhaitons que le mot YOVODAH puisse être retenu pour spécifier et désigner cette tragédie humaine qu'on nomme Traite négrière transatlantique.*

«De même que les Juifs seraient aujourd'hui des sous-hommes si Hitler et le nazisme avaient gagné et continuaient à régner sur l'Europe, de même, les Africains demeureront des « damnés de la terre » et des miséreux aussi longtemps que l'Occident continuera à régner sur l'Afrique et les Africains par l'intermédiaire de ses tentaculaires Institutions nationales et internationales »*.

Aujourd'hui, agissons ensemble pour que nos enfants n'aient pas à réclamer demain ce que nous réclamons aujourd'hui.

« LE PECHE DU PAPE CONTRE L'AFRIQUE» (Jésus-Christ outragé, l' Afrique courroucée) ; Ed AI qalam- Paris; Auteur: Assani FASSASSI

Egalement pages 65 & 66  in Le Péché du Pape…

Une piste pour évaluer les dettes en question : page 310 in « Sursaut de l’Afrique qu’on achève » Auteur : Assani FASSASSI

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1 novembre 2012 4 01 /11 /novembre /2012 09:24

Vendredi 2 novembre 2012, vers 14h30 le corps de Jean Richard LÉTARD arrivera sur l'aéroport de Félix ÉBOUÉ, le soir se tiendra une grande veillée, samedi il sera inhumé, dans sa commune  natale (un bus partira à 13h du pont "Ké Taï" à Cayenne pour les personnes désirant assister aux obsèques). Le M.I.R. atè Gwiyan demande aux membres des organisations politiques, syndicales et associatives qui le composent, de faire le nécessaire en participation pour soutenir la famille.

Apa Mumia Makéba

 

 

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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 12:54
Un bus partira ce samedi 3 novembre 2012 à partir de 13h00 du pont "Ké Taï", pour celles et ceux qui voudront assister aux obsèques de Jean Richard LETARD.
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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 10:41

 

Un bus partira ce samedi 3 novembre 2012 à partir de 13h00 du pont "Ké Taï", pour celles et ceux qui voudront assister aux obsèques de Jean Richard LETARD.

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26 octobre 2012 5 26 /10 /octobre /2012 09:43

Atelier régional : Terres , Territoires, Ressources naturelles

Au CAR, Conseil régional de la Guyane, route de Suzuni  le, 09 novembre 2012, de 8h30 à 18 h

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Conquête coloniale et régime foncier

 

Le régime juridique du domaine foncier est singulier en Guyane au regard de la France métropolitaine ou des autres Département d’Outre-mer car la majorité des terres de Guyane sont la propriété domaniale de l’Etat. Cette singularité tient à l’histoire de la colonisation : entamée sous la Restauration par les ordonnances royales de 1825, la mainmise de l’Etat sur l’ensemble des biens domaniaux de Guyane est confirmée par le décret du 15 novembre 1898. Selon la doctrine de la Terra Nullius, le régime foncier de l’Etat est constitué de toutes les terres vacantes et sans maître, les bois et les forêts, soit la quasi-totalité des terres de Guyane (1) .

 

Avec la fin des régimes fonciers particuliers, celui du domaine pénitentiaire et du domaine de l’Inini (2), respectivement géré par l’administration pénitentiaire et par la préfecture, la propriété domaniale de l’Etat est gérée par un régime unique. L’Etat a néanmoins été obligé de céder une partie des terres domaniales aux collectivités territoriales de Guyane, ainsi qu’à des particuliers pour permettre le peuplement ou le développement d’activité économiques.

 

La reconnaissance des droits fonciers des Amérindiens

 

Considérant l'article D 34 du domaine de l'état ;

Considérant le décret n°87-467 du 14 avril 1987

Considérant la loi des finances n° du 1992

Vu la convention sur la diversité biologique des nations unies signé par la France le, 13 juin 1992, ratifié par la loi N°94-477 du, 10 juin 1994.

Considérant l'Article 33 de la loi n°2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation Stipulant : " L'Etat et les collectivités locales encouragent le respect, la protection et le maintien des connaissances innovantes et pratiques des communautés autochtones et locales fondées sur leurs modes de vie traditionnelles et qui contribuent à la conservation du milieu naturel et l'usage durable de la diversité biologique "

 

En ce qui concerne les peuples autochtones et noirs-marrons, l’Etat leur reconnaissait officiellement depuis 1948 un droit de jouissance sur son domaine. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 alors que le mouvement amérindien s’est institutionnalisé que l’Etat français satisfait de manière limitée ses revendications foncières par l’entremise du décret du 14 avril 1987.

 

 

Celui-ci accorde aux “ communautés d’habitants tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt ” la possibilité de se voir attribuer des « zones de droit d’usage » et de se faire concéder ou céder collectivement des terres domaniales.

 

Les zones de droit d’usage se situent en forêt à proximité relative des villages concernés et sont habituellement implantées autour d’un cours d’eau ce qui facilite à la fois l’accès à la zone et les usages traditionnelles ; les Amérindiens peuvent donc y pratiquer l’agriculture d’abattis, y chasser et y pêcher.

 

Cela constitue une avancée juridique incontestable car avant cette disposition, les concessions ne concernaient en Guyane que les personnes physiques à titre personnel ; elles ne profitaient donc pas aux communautés amérindiennes organisées selon le principe d’appropriation collective de la terre.

 

De fait les concessions de droit commun concernaient surtout des particuliers issus d’autres groupes guyanais, en particulier créoles. Dans le cadre du décret de 1987, l’Etat concède ou cède les zones d’habitation amérindienne à une association loi 1901 tandis que les zones de droit d’usage sont elles confiées à l’autorité du chef coutumier.

 

DROITS TERRITORIAUX

 

Quelques questions pour guider le débat:

 

- Quelle est la situation actuelle en termes de reconnaissance juridique des droits fonciers et des ressources naturelles des peuples autochtones EN GUYANE ? Quelles sont les avancées et les reculs dans les dernières années?

 

- Quelles sont les stratégies pour voir reconnus les droits territoriaux des peuples Autochtones de Guyane ? Qu’est-ce qu’il existe en termes de législation nationale et des mécanismes internes? Qu’est-ce  peut-on réussir  en activant des mécanismes internationaux (Cour Européenne des droits de l’homme, Court interaméricaine des droits de l’homme, Déclarations et Convention 169...mécanismes d’experts, conseil des droits de l’homme –ONU)? Est-il possible d’avoir un vrai dialogue avec le gouvernement, les collectivités ? Et dans le cas de l’assemblée unique ?

 

-  Comment pouvons-nous travailler ensemble afin de renforcer nos propres structures de gouvernance autochtones? Quelles mesures concrètes doit-on prendre?

 

En ce qui concerne les moyens de gestion du territoire pour d'assurer la disponibilité de ressources nécessaires pour la qualité de vie, selon les usages traditionnels et adaptés pour les générations présentes et futures :

 

- Quels sont les modèles ou les formes (traditionnelles ou « modernes ») de faire la gestion du territoire?

 

- Quels sont les stratégies pour faire face aux défis ? (la non-reconnaissance des terres Autochtones , la pression démographique, les changements des habitudes de consommation, le manque de ressources, les menaces extérieures telles que les invasions, les œuvres d'infrastructure de grand impact, la déforestation)?

 

- Est-ce qu’il y a des stratégies et des plans formalisés destinés à promouvoir la gestion des terres non délimitées et délimitées?

 

- Comment vivre sur les terres délimitées?

 

- Quels sont les modèles de gestion et de management des terres (plans de gestion des terres et des plans de la vie ou plans d'action communautaire, des projets spécifiques pour la gestion des ressources naturelles, ethnomappings)?

 

-  Comment pouvons-nous travailler ensemble afin de renforcer nos propres structures de gouvernance autochtones? Quelles mesures concrètes doit-on prendre?

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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 22:34

Ce que pourrait être une gauche antiraciste

Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella Magliani-Belkacem

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Lorsque l’on souhaite envisager la question raciale dans une perspective matérialiste et critique en France, on se trouve dans un embarras théorique qui n’est pas dissociable d’une situation politique. Si de nombreux et de nombreuses acteurs et actrices du paysage des politiques d’émancipation s’accordent sur une opposition abstraite au racisme, ce dernier enjeu est bien celui qui donne à voir le plus de confusion dans la gauche intellectuelle et politique, toutes traditions confondues. En effet, rares sont les courants en mesure de faire preuve de la même rigueur ou de la même érudition à propos des enjeux de race qu’au sujet de la crise économique, de la stratégie révolutionnaire, des transformations du travail ou de l’histoire du mouvement ouvrier. L’ironie du sort est que la question raciale pourrait être une entrée possible dans ces dernières thématiques.

 

Il serait difficile de caractériser de façon très générale cette absence de rigueur. Mais on peut sans aucun doute l’associer aux manières courantes de traiter du racisme au sein de la gauche radicale. Le racisme serait une manière de détourner l’attention, une diversion opérée par la classe dominante en direction des classes populaires pour réduire leur combativité collective. Souvent, cet argument est nourri par l’idée, partiellement vraie, que le racisme constitue une division de la classe révolutionnaire ; que cette classe révolutionnaire devra dépasser le racisme pour renverser le capitalisme ; ou le dépassera dans la lutte pour ce renversement – dans les syndicats ou encore sur les piquets de grève où les distinctions s’estomperaient face aux impératifs matériels.

 

Ces perspectives politiques ont contribué à restreindre la discussion théorique autour de la race et du racisme. Rattrapé•e•s par l’urgence de l’activisme, les militant•e•s peuvent reconnaître qu’il faut combattre le racisme, mais il est néanmoins plus important pour eux et elles de se demander comment reconstituer l’unité du prolétariat du jour au lendemain que de réfléchir à ce qui, précisément, clive durablement les subalternes. Il n’est à cet égard pas étonnant que les rares prises en compte théoriques sérieuses de la question raciale soient le fruit de militant•e•s et d’intellectuel•le•s en rupture avec les exclusions de femmes voilées et en lutte contre la loi du 15 mars 2004 – interdisant le port du hijab à l’école. Cette expression du racisme était alors manifestement transversale à la totalité du champ politique, et révélait notamment combien l’extrême gauche pouvait se rendre complice du système raciste (Lévy 2010). Il était dès lors impossible de restreindre le racisme à une manipulation de l’extrême droite ou des classes dominantes – et c’est à ce titre qu’on a pu lire chez Pierre Tevanian, Sylvie Tissot, Laurent Lévy, Christine Delphy, Saïd Bouamama, dans le sillage du mouvement d’Une école pour tout•e•s et dans la production du Mouvement/Parti des indigènes de la république, des élaborations à la fois radicales et novatrices sur la question raciale en France.

 

Une conception du racisme en terme de simple diversion et/ou de division produit deux effets. D’une part, elle réduit la race à un dommage collatéral de la lutte des classes. Dès lors, ce qui importe n’est pas tant de discuter de la race comme une formation sociale et un système durables, mais comme une idéologie qui influence plus ou moins le cours du combat de classe, à la manière des nationalismes ou des populismes.

 

Corrélativement, cette conception n’implique aucunement une rupture avec le sens commun : quelle que soit l’analyse portée sur le racisme – en le considérant comme « peur/ignorance de l’Autre » jusqu’à en proposer une lecture en terme de continuité coloniale – le racisme ferait écran devant les vrais enjeux. Toute discussion théorique sur le racisme lui-même reste très secondaire – puisque cette discussion, quand elle existe, ne sert qu’à expliquer pourquoi, en dernière instance, le prolétariat (blanc et non blanc) est uni par des intérêts communs.

 

Le phénomène du racisme demeure pourtant bien plus complexe que l’enjeu de la division du prolétariat. Ce recueil entend notamment donner à voir quelques axes de recherche qui travaillent au plus près les différentes dimensions de l’organisation raciale du monde et des sociétés, et qui mettent en jeu les controverses portant sur l’interprétation du phénomène racial. Les débats ici discutés font intentionnellement l’impasse sur les rengaines autour de « l’universalisme » et de la « République une et indivisible ». En effet, ces discussions se contentent de se demander si l’on peut poser ou non le problème racial plutôt que de le penser précisément. C’est cette nécessité de précision qui a orienté le choix de ces textes, marqués par une ambition scientifique notable – ce qui rend parfois leur compréhension difficile ; mais ce qui les rend avant tout difficile d’approche, c’est qu’ils s’inscrivent dans des champs spécialisés. La spécialisation est souvent le fait de l’ancrage académique qui partitionne les disciplines et morcelle la compréhension globale d’un système. Mais elle est peut-être la seule façon de rendre compte d’aspects du racisme qui sont habituellement négligés ou mal problématisés dans le sens commun à gauche.

 

Ce que permet la spécialisation, c’est de traiter du racisme de façon très précise et dans toute sa complexité. Le champ académique anglophone a depuis longtemps pris en charge cette variété de champs d’action pour la question raciale. C’est notamment à ce titre que ce recueil comporte nombre de traductions de l’anglais. Parmi elles, on peut s’attarder sur la contribution de Stefan Kipfer qui est l'exemple même d'une lecture en termes de racialisation de l'espace urbain en France. Son approche spécialisée, ancrée dans le champ de la géographie critique et nourrie par les observations de Frantz Fanon, lui permet d'échapper aux simplifications induites par de nombreuses comparaisons entre le ghetto étatsunien et les « banlieues » en France. La complexité des processus de racialisation est rendue intelligible par une attention portée sur les réseaux constitués par les instances de rénovation urbaine, les municipalités, l'État et les impérialismes : loin d'être des enjeux étroitement nationaux, la production raciale de l'espace et la production spatiale de la race sont des mécanismes inscrits dans la suprématie du monde occidental, et reproduisent l'hégémonie des populations blanches aux échelles nationales et locales. Les apports d'une approche géographique s'affirment dans ce choix de traiter du racisme comme un phénomène et un processus inscrits dans l'espace, qui doivent nécessairement s'envisager à plusieurs échelles. De son côté, le champ académique français a largement occulté la question raciale. La sociologie reste l’un des rares espaces théoriques en France au sein desquels la question raciale peut-être discutée sous différents aspects et selon différentes analyses. Il n’en reste pas moins que le champ sociologique français porte une lourde tendance à dématérialiser la question raciale en l’envisageant le plus souvent autour de l’unique problématique de la « perception sociale » alors que, dans le champ anglophone, on accorde à la race une capacité de structuration du monde social plus conséquente. Le texte de Fabrice Dhume, sociologue contribuant à cet ouvrage, montre comment la définition de la discrimination raciale, dans le cadre des politiques publiques, participe d’une dématérialisation des pratiques racistes au profit d’euphémisations (« diversité », « personnes appartenant à des minorités », etc.) qui dépolitisent la lutte contre les discriminations racistes.

 

Le texte de David Roediger, qui ouvre ce recueil, s’il n’est pas lui-même un article spécialisé dans un champ particulier, donne à voir une cartographie des prises de position intellectuelles dans l’approche de la race et de sa mise en concurrence avec la classe. Il s’agit de poser des discussions générales et de résumer des enjeux théoriques. C’est pour éviter cette mise en concurrence stérile entre race et classe que nous avons choisi d’intituler ce recueil Race et capitalisme.

 

Il s’agit pour nous de partir de l’hypothèse que, historiquement, le capitalisme a toujours été racialisé. D’abord, dans sa formation même : le rôle du commerce des esclaves et celui des richesses tirées de l’esclavage colonial a été crucial pour accumuler le capital qui a financé la révolution industrielle (Williams 1944). Des auteurs comme CLR James ont audacieusement défendu la thèse que la plantation anticipe l’entreprise capitaliste et le salariat moderne (James 2008 [1938]). Par la suite, la formation des impérialismes et l’organisation du marché mondial au 19e siècle se sont jouées sur la compétition des nations occidentales dans l’expansion coloniale. Ce qui justifie de ne pas avoir intitulé ce recueil « race et classe », c’est que dans cette émergence commune du capitalisme et du phénomène esclavagiste/colonial, la formation des classes sociales est inséparable de leur racialisation.

 

Pour Himani Bannerji, dont un des textes figure dans le présent recueil, il n’existe pas de classe sociale dépourvue d’identités liées à des formes d’oppression constituées avec le capitalisme. Pour elle, il ne s’agit pas, là non plus, de considérer le capitalisme comme une oppression  fondamentale à laquelle s’ajouteraient les autres oppressions, comme les scories d’une barbarie irrationnelle ou archaïque. Bannerji n’envisage pas les identités comme de simples stigmates ou encore se réduisant à des constructions culturelles. Les identités sont le produit des mêmes histoires que celles qui ont concouru à l’essor et au développement du capitalisme comme phénomène mondial : l’esclavagisme, la colonisation et la division internationale du travail. Les identités sont les « noms » et les perceptions sociales qui sont imposés ou que se donnent les opprimé•e•s dans le contexte de cette multiplicité de traitements d’exception. Ces « noms » et ces perceptions ne sont ni des essences ni des constructions contingentes ; ils sont ancrés dans l’évolution concrète des rapports juridiques, des relations de subordination entre les populations occidentales et les populations colonisées ou anciennement colonisées ; ils dépendent aussi des rapports de force politiques entre les forces vives de la décolonisation et celles qui entendent maintenir le statu quo colonialiste, entre les processus d’abolition des institutions esclavagistes et les forces ségrégationnistes, entre la résistance des non-Blanc•he•s et la suprématie blanche – appuyée à l’international sur l’exploitation du Tiers-Monde et, à l’intérieur des États-nations occidentaux, sur la discrimination systématisée des non-Blanc•he•s.

 

C’est ici que le texte de Patrick Mason vient ici rejoindre et compléter la proposition de Himani Bannerji. Pour comprendre la possibilité d’une discrimination systématisée à un niveau économique, Mason propose un modèle qui rend compte d’un principe d’exclusion inhérent au fonctionnement du capitalisme. En effet, même dans l’hypothèse d’un marché concurrentiel, persistent forcément du chômage involontaire et une certaine rareté des situations de travail réunissant les meilleures conditions. L’accès à l’emploi et aux postes les mieux rémunérés, les plus qualifiés, fait l’objet d’une compétition dans la mesure où le capitalisme ne permet pas d’offrir des situations économiques satisfaisantes pour tous et toutes, dans la mesure où subsiste une armée industrielle de réserve et une stratification des conditions économiques. Cette rareté produit dès lors ce que l’on pourrait se figurer comme une file d’attente pour chaque position dans la hiérarchie sociale et économique. Le fait que les un•e•s sont amené•e•s à passer devant les autres engendre des possibilités de discriminations. La race participe de l’appareil identitaire qui vient coder l’attribution des places dans la file d’attente. C’est en cela que l’identité devient un véritable enjeu : l’identité blanche, par exemple, constitue un passe-droit pour passer devant les autres – à l’embauche, à l’avancement, au logement, etc. À l’inverse, comme le montre Patrick Mason en regard de la situation étatsunienne, l’accès aux rares positions les plus favorables (dans les secteurs les plus syndicalisés, aux postes les mieux rémunérés pour la même qualification, etc.) demandent à tou•te•s ceux et celles qui n’ont pas le « bon ticket », le bon marqueur identitaire, d’en faire deux fois plus que les autres. Il s’agira également pour eux et elles de se conformer à un modèle d’intégration, et toute réussite qui pourrait en découler sera dès lors soumise à l’excellence : en effet, le droit à l’erreur n’est pas permis et il suffira du moindre écart pour se voir ramené•e•s à « ses origines ». Il faut également prendre en compte le prix à payer pour avoir droit à la reconnaissance sociale – un prix qui implique le plus souvent une rupture avec la communauté et une collaboration avec le statu quo inégalitaire : si la discrimination est le produit d’une compétition entre Blanc•he•s et non-Blanc•he•s pour l’accès à des positions sociales favorables ou à l’emploi, alors la compétition au sein des non-Blanc•he•s sera d’autant plus rude qu’il s’agit du groupe qui ne bénéficie pas des privilèges et du pouvoir qui permet aux Blanc•he•s de passer en priorité dans la file d’attente. Sans cette priorité, la réussite individuelle pour chaque non-Blanc•he est condamnée à reposer en partie sur une distinction par rapport à l’ensemble de son propre groupe, systématiquement discriminé. À un niveau individuel, il n’est pas possible de baser sa réussite sur une remise en cause du privilège des Blanc•he•s, mais de la mettre en œuvre en passant à travers ces privilèges, en se positionnant comme une exception à la règle de l’exclusion qui frappe les autres non-Blanc•he•s – ce que la société sanctionne en retour, non comme le fait d’un individu appartenant à un groupe discriminé surmontant un stigmate, mais comme la confirmation de la rengaine libérale et raciste du « quand on veut, on peut ».

 

Ce qui est ici en jeu, c’est la manière dont les identités produites par l’histoire complexe des oppressions, telle que la raconte Himani Bannerji, se voient non seulement reproduites, mais également inscrites dans des stratégies de promotion sociale. L’identité a bien une fonction économique. C’est à partir de cette analyse qu’il faut briser l’imaginaire très persistant à gauche qui consiste à faire du racisme une conséquence de la carence en cadres collectifs pour les Blanc•he•s des classes populaires (un mouvement ouvrier fort, des syndicats puissants, etc.) Dans cette imagerie, cette absence de cadres collectifs de résistance ne laisserait aux prolétaires blanc•he•s que la solution individuelle de rejeter « l’Autre », « l’immigré », « l’étranger ». C’est en cela que la gauche se refuse à penser l’identité blanche comme un privilège collectif. Si cet imaginaire admet bien qu’il y a des situations où être perçu•e comme blanc•he donne accès à des avantages notables (l’obtention d’un emploi ou d’un logement), il n’envisage pas que l’organisation des classes populaires blanches en tant que « classe ouvrière » puisse être un moyen de conserver et d’étendre les privilèges associés à l’identité blanche. L’argument souvent invoqué est que les privilèges des Blanc•he•s et la discrimination systémique des non-Blanc•he•s, sont des obstacles à l’organisation du prolétariat et à l’obtention d’un rapport de force suffisant face à la classe dominante – l’unité serait tout simplement plus gagnante que la division. Mais comprenons bien que ce n’est pas parce que, pour les travailleurs et travailleuses Blanc•he•s, on pourrait faire mieux sans le racisme, que l’on ne se porte pas bien en s’appuyant sur ses privilèges. Dans le cas de la lutte de classe des prolétaires Blanc•he•s, là aussi, le mieux est l’ennemi du bien.

 

On peut citer différents exemples à l’appui de ces arguments. Pour de nombreux libéraux ou sociaux-démocrates réformistes, le New Deal étatsunien des années 1930 est une référence en matière de législation progressiste. Mais il se trouve que le New Deal a précisément constitué une législation protectrice des travailleurs et travailleuses blanc•he•s, en excluant subtilement les Noir•e•s des mesures en question. Plutôt que de faire figurer cette exclusion de façon explicite, la législation sociale votée par les membres du Congrès faisait simplement l’impasse sur les emplois où les Noir•e•s étaient surreprésenté•e•s – les ouvriers agricoles et les domestiques en particulier. Ainsi, le Congrès a mis en place des durées légales du travail, des salaires minimum, une sécurité sociale et des structures syndicales qui n’ont pas concerné les Noir•e•s. (Katznelson 2005 : 22-23) On peut étoffer cet exemple en ajoutant les remarques du chercheur autodidacte Theodore Allen. Allen s’est particulièrement intéressé à cet épisode car il est non seulement l’auteur du classique The Invention of the White Race, mais qu’il est l’une des figures d’un groupe marxiste, la Sojourner Truth Organization, qui s’inscrivait dans une réflexion antiraciste radicale. Dans un texte de 1973, il montre comment le parti communiste des États-Unis est devenu, au cours des années 1930 et « au nom de l’unité antifasciste », un « auxiliaire du New Deal ». Pour ne pas « risquer de perdre les concessions offertes par le New Deal », le parti communiste étatsunien n’a pas souligné le caractère racial et discriminatoire de la réforme, rompant avec ses prises de positions antérieures en faveur d’un combat antiraciste. De même, à propos du mouvement syndical, Allen explique comment les militants syndicalistes de l’AFL et du CIO (deux syndicats majeurs aux États-Unis) se sont désolidarisés des Noir•e•s pour ne pas risquer de s’aliéner les Blanc•he•s. Il en a résulté que le différentiel entre le taux de chômage des Noir•e•s et celui des Blanc•he•s au Nord des États-Unis est passé de 75% en 1930 à 115% en 1937. Citant Franklin Frazier, Allen ajoute que « la politique du New Deal visant à protéger le droit d’organisation du travailleur (blanc) d’une part, et le droit des Noir•e•s à avoir un emploi d’autre part, entrèrent alors souvent en conflit » (Allen 1973).

 

Ce conflit, il est aussi perceptible dans l’histoire du mouvement ouvrier en France. À partir de l’après-guerre, la CGT a longtemps promu un protectionnisme ouvrier. Elle s’est opposée à l’introduction de travailleurs étrangers dans la force de travail jusqu’en 1974, et a même été à l’initiative de la création de l’Office national de l’immigration – dans lequel elle a siégé jusqu’en 1947. Quand la CGT a abandonné cette politique étroitement nationaliste, elle a converti ses positions sur l’immigration en une défense pour un retour au pays dans des conditions confortables pour les travailleurs immigrés. Là encore, c’était considérer l’« immigré » comme un travailleur de second plan. En effet, ce virage s’opère à l’heure des grandes restructurations et de la crise économique. Dès lors, quand les syndicalistes jugent que, face aux licenciements, la priorité pour ces travailleurs immigrés n’est pas le maintien de leur emploi mais un retour au pays dans les meilleures conditions, il devient alors notable que les grands syndicats n’ont pas considéré ces travailleurs comme une composante de leur base sociale mais comme une force de travail dont la présence n’est qu’une anomalie. Le mouvement syndical a cédé à l’« illusion du provisoire », formule chère à Abdelmalek Sayad :

 

    "Un immigré, c’est essentiellement une force de travail et une force de travail provisoire, temporaire, en transit. En vertu de ce principe, un travailleur immigré (travailleur et immigré étant, ici, presque un pléonasme) […] reste toujours un travailleur qu’on définit et qu’on traite comme provisoire, donc révocable à tout moment. […] En fin de compte, un immigré n’a sa raison d’être que sur le mode du provisoire et à condition qu’il se conforme à ce qu’on attend de lui : il n’est là et n’a sa raison d’être que par le travail, pour le travail et dans le travail : parce qu’on a besoin de lui, tant qu’on a besoin de lui, pour ce pourquoi on a besoin de lui et là où on a besoin de lui". (Sayad 2006 : 50-51)

 

Ces exemples – du grand ralliement au New Deal ou des options des syndicats hégémoniques français depuis la Libération jusqu’aux grandes restructurations – nous montrent combien les conflits d’intérêt entre travailleurs blancs et non blancs se mettent clairement en œuvre dans ce que le mouvement ouvrier blanc juge comme des opportunités stratégiques : dans le cas du New Deal, il s’agit de conforter une législation protectrice excluant les Noir•e•s ; dans le cas des réformes de la Libération, il s’agit de protéger les secteurs dominés par les nationaux en devenant agent du contrôle de l’immigration ; à l’heure des grandes restructurations, les syndicats majoritaires ont ignoré les luttes de travailleurs immigrés menées à la même période : les grèves des loyers dans les foyers d’immigrés marquaient peut-être un ancrage sur le long terme et pas forcément une nécessité immédiate de retour au pays. Cette invisibilisation ou ce choix notable des fronts à sacrifier marquent bien une tendance structurelle du mouvement ouvrier octroyée et façonnée par le privilège blanc.

 

Aujourd’hui encore,

 

    "le mouvement social dans son ensemble ne se donne pas pour priorité d’appuyer les luttes des descendant•e•s de colonisé•e•s. Le plus souvent, les composantes de la gauche politique et syndicale tendent à juger leurs propres préoccupations comme universelles, portant sur la situation de l’ensemble de la population (retraite, service public, droit au logement, etc.) Or, la lutte contre la suprématie blanche ne saurait être remplacée par une lutte pour obtenir une plus grande part du gâteau, qui sera de toute façon répartie inégalement entre tous et toutes" 1.

 

Ces revendications sont considérées comme « universelles » précisément parce qu’elles ne prennent pas en compte les besoins spécifiques. On a beau gagner une plus grosse part de gâteau, les miettes resteront toujours pour les mêmes : des victoires du mouvement ouvrier blanc n’empêchent pas une reconduite à l’identique de l’inégalité entre Blanc•he•s et non-Blanc•he•s. La grande mobilisation contre le CPE constitue un bon exemple de ce passage à la trappe d’intérêts spécifiques au nom de « l’intérêt général ». La Loi sur l’égalité des chances avait été conçue et présentée comme une réponse aux révoltes de novembre 2005. Pourtant, la dynamique majoritaire de la mobilisation a exclusivement porté sur le CPE, évinçant les autres mesures prévues par la loi dans son ensemble :

 

    "[Elle] comprend des mesures de déscolarisation qui, bien sûr, menacent tous les adolescents indépendamment de leurs origines, mais comment ne pas la mettre également en rapport avec les multiples discours concernant l’incapacité spécifique des enfants issus de l’immigration à suivre une scolarité normale ? Le Titre III de la loi qui prévoit de sanctionner les parents en leur retirant les allocations familiales n’aurait de toute évidence pas existé si une large campagne n’avait pas été menée soulignant la prétendue incompétence des pères – souvent dénoncés comme polygames – et des mères – s’acharnant à parler l’arabe – à s’occuper de leurs enfants. Et que viennent faire les dispositions du Titre IV concernant la « lutte contre les incivilités » dans une loi consacrée à « l’égalité des chances » si ce n’est pour parachever la logique de cette loi par des mesures sécuritaires dont la cible est prioritairement les Noirs, les Arabes et les musulmans. On pourrait en dire autant du Titre V qui instaure un « service civil volontaire » pour « former le jeune aux valeurs civiques » ! Qui sont les jeunes qu’à longueur de discours et d’articles, on dénonce pour leur manque de « valeurs civiques » sinon ceux qui sont issus de l’immigration postcoloniale ? Comment ne pas faire le lien entre ces décisions et celles qui conditionnent la délivrance d’un titre de séjour par l’adhésion aux « valeurs de la république » ?" (Khiari 2006a).

 

Là encore, « on arguera bien sûr que, sur le seul CPE, il est possible de gagner ; que pour construire la mobilisation la plus large, il fallait se donner un objectif clair et un seul, qui soit le plus "rassembleur" possible. Mais comment expliquer ce "hasard" qu’il faille toujours mettre de côté les revendications des populations issues de l’immigration pour gagner en efficacité ? » (Khiari 2006).

 

 

 

Les exemples ci-dessus confirment bien qu’il existe, contrairement aux hypothèses de la gauche classique, des divergences d’intérêt entre les non-Blanc•he•s dans leur ensemble et les Blanc•he•s, y compris à travers les organisations des classes populaires blanches. Ces divergences peuvent se manifester par l’exclusion explicite de certain•e•s non-Blanc•he•s – comme ç’a été longtemps le cas des Noir•e•s dans le syndicalisme étatsunien, ou aujourd’hui en France celui des femmes voilées dans les partis politiques de la gauche radicale –, par la secondarisation explicite ou insidieuse des besoins et des préoccupations des non-Blanc•he•s, par une invisibilisation de leurs luttes et de leurs résistances, ou encore par la volonté plus ou moins bienveillante d’annexer ces résistances à l’orbite des partis et syndicats du mouvement ouvrier classique. Il va de soi que ces divergences doivent nécessairement se traduire sur le plan politique.

 

S’organiser politiquement, c’est prétendre à exercer le pouvoir, à diriger l’organisation de la société. Du point de vue du mouvement ouvrier, le pouvoir consiste, de façon ultime, à diriger la société de sorte que l’oppression capitaliste soit vaincue. La conquête du pouvoir politique par le prolétariat implique un certain nombre de conditions : l’indépendance politique vis-à-vis de la classe dominante, la transformation radicale (ou la destruction) de l’État bourgeois ainsi que des mesures politiques précises pour neutraliser le pouvoir économique et social des propriétaires des moyens de production. De la même manière, l’organisation politique des non-Blanc•he•s vise à diriger la société, à exercer le pouvoir de sorte à faire dépérir le privilège blanc – comme le rappelle Sadri Khiari dans sa contribution qui vient conclure le recueil.

 

De nombreuses compatibilités existent entre ces deux programmes. Mais l’enjeu ici est, d’abord, de réaliser en quoi ces deux mouvements suivent des trajectoires politiques qui ne sont pas réductibles l’une à l’autre. La constitution d’un pouvoir politique indigène – pour reprendre la formule de Sadri Khiari – s’élabore au travers de mouvements ayant leur propre temporalité comme leur propre espace, leur historicité, leur mémoire spécifique : des luttes anticoloniales aux projets panarabistes ou panafricains, de la Marche pour l’égalité et contre le racisme aux luttes contre les exclusions des femmes portant le hijab, des luttes contre la double-peine à celles contre les violences policières, des révoltes des quartiers populaires à la solidarité avec la Palestine. Si les intérêts entre Blanc•he•s et non-Blanc•he•s sont amenés à diverger, alors la continuité des luttes des descendant•e•s de colonisé•e•s n’a pas la même centralité dans la mémoire et l’héritage politique des partis et organisations de la gauche blanche. Si des fractions de ces organisations, des groupuscules ou des individu•e•s, peuvent se réclamer de l’ensemble de ces moments sous l’égide de l’anti-impérialisme, il n’en reste pas moins que l’espace-temps des indigènes n’est pas structurant pour la vie politique du mouvement ouvrier classique (Khiari 2006b).

 

Dès lors, même si les forces de la gauche politique et syndicale approchent la question raciale bien différemment de la classe dominante, il demeure que cette approche a échoué dans sa prise en compte de l’essence même de cette question : au lieu de promouvoir  (sur le plan théorique comme sur le plan pratique) la dynamique et tout le potentiel portés par l’organisation des forces non blanches, la gauche blanche s’évertue surtout à les décourager – pour preuve, le déclenchement d’une grande hostilité de la part de la gauche de la gauche au lancement de l’Appel « Nous sommes les indigènes de la république » et au moment de la constitution du Parti des indigènes de la république (Lévy 2010).

 

Ainsi, les forces émancipatrices à gauche persistent à ignorer le potentiel de radicalisation d’ensemble qu’insuffle l’organisation autonome des non-Blanc•he•s en elle-même. Certes, cette organisation est minoritaire, comme le sont les non-Blanc•he•s dans leur ensemble ; elle est fragmentée – en partis, associations, fronts, comités de familles, collectifs, autour de mosquées ou de listes municipales. Mais elle est capable de perturber conséquemment le champ politique classique en proposant notamment des modes d’action riches d’enseignements pour l’ensemble du mouvement social. La campagne Boycott, désinvestissement, sanctions contre l’apartheid et l’occupation de la Palestine (BDS) a mobilisé de larges secteurs des forces non-blanches organisées, et constitue bien l’exemple d’une campagne de longue durée, capable de construire des rapports de force locaux – sous la forme de coalitions de partis, associations et syndicats contre Agrexco dans le Sud de la France par exemple 2 –, une visibilité nationale et des liens avec d’autres forces à l’international. Sans que la lutte ait la même intensité partout et sur une période concentrée, les actions de boycott des produits israéliens dans les supermarchés, les manifestations, les campagnes d’information, peuvent avoir lieu à tout moment, avec toutes les forces qui souhaitent s’y associer, pour des objectifs précis. Ce type de campagne traduit, d’une part, l’internationalisme conséquent visible au creux des manifestations de solidarité avec la Palestine ou des peuples arabes en lutte – qui mobilisent des secteurs de la population non blanche exclus de l’espace politique et militant. Par ailleurs, elle traduit également une capacité à conduire une lutte sur des bases fermes – loin de faire l’unanimité à gauche de la gauche dans le cas de BDS – tout en acceptant toutes les alliances nécessaires pour construire des rapports de forces.

 

Les modes d’action singuliers que mettent en jeu ce type d’organisation autonome se jouent également aux creux de la violence policière qui frappe spécifiquement et quotidiennement les non-Blanc•he•s : ceci implique que leurs campagnes entrent en conflit direct avec le pouvoir d’État et ses appareils répressifs.

 

Ainsi on voit combien certains éléments de radicalisation politique sont portés par une minorité consciente de la population, et que la gauche radicale peut non seulement apprendre de cette radicalité, mais sera rapidement confrontée à ses propres inconséquences si elle se refuse à l’appuyer. La lutte contre l’islamophobie et les lois prohibitionnistes, menée depuis au moins 2003-2004, a produit un conflit au sein des forces de gauche que les plus radicales d’entre elles n’ont pas su trancher. Comme l’expliquent Houria Bouteldja et Sadri Khiari :

 

    "Prenons maintenant l’exemple du grand perdant de la recomposition à gauche, le NPA. Ce parti, souvenons-nous, avait traversé de graves difficultés internes lors de la deuxième affaire du voile (2004) alors qu’il était encore la LCR. Ces difficultés se sont aggravées pour se transformer en véritable crise lors des élections régionales de 2010 avec la candidature d’Ilham Moussaid. Cette candidature s’est ajoutée à des désaccords importants concernant les alliances à gauche pour attiser la discorde au sein du NPA et provoquer le départ d’un grand nombre de ses militants. En apparence, l’affaire Ilham n’a rien à voir avec les divergences sur la politique unitaire. Ces deux questions nous paraissent, pourtant, intimement liées. La candidature d’Ilham Moussaid – et la campagne haineuse dont celle-ci a été l’objet dans les médias – a suscité immédiatement un élan de sympathie au sein des populations issues de l’immigration. Considéré jusqu’alors comme un truc « gauchiste », typique du folklore français, le NPA devenait l’objet d’une attention bienveillante. Aveugle ou indifférent à cette évolution qui aurait dû l’intéresser au plus haut point, le parti anticapitaliste a, au contraire, été paniqué par l’hostilité que la candidature d’une femme voilée suscitait parmi les Blancs. On se souvient de la suite, la crise a rebondi au lendemain des élections, conduisant au départ de nombreux militants et notamment de la majorité des militants arabes du Comité NPA auquel appartenait Ilham, ce même comité qui était donné en modèle de « l’intervention quartier » du parti anticapitaliste. En favorisant une telle issue, le NPA montrait ainsi qu’il était incapable de se tourner vers les quartiers" (Bouteldja & Khiari 2012).

 

Si nous réfutions en amont les conséquences politiques que la gauche tire de l’idée selon laquelle le racisme divise les classes populaires, il y a là, par contre, une division dont elle pourrait tirer de précieuses leçons : l’organisation autonome des non-Blanc•he•s divise la majorité (Breitman 1964). La majorité blanche, dont sont partie prenante aussi bien les partis institutionnels qui soutiennent l’ordre capitaliste que le mouvement social blanc qui en remet en cause certaines de ses conséquences ou même ses fondations, est clivée par les revendications et les luttes des non-Blanc•he•s. Comme nous le disions, dans l’histoire complexe du capitalisme, les oppressions spécifiques et les identités constituent des divergences d’intérêt entre subalternes et différents espaces-temps, différentes communautés de résistance. Mais les résistances des un•e•s ne sont pas sans impact sur le combat des autres. Dans les années 2000, les luttes contre l’islamophobie sont un exemple de division portée au cœur de la majorité blanche. Elles ont ouvert la voie à la candidature d’Ilham Moussaïd, qui a scandalisé tout le champ politique blanc, tout en suscitant la confusion au sein du NPA sur son positionnement face au consensus islamophobe. Le NPA s’envisage comme un parti des classes populaires dans leur ensemble, comme un parti qui s’oppose aux partis institutionnels et à leur politique, mais il n’a pas su, d’un même mouvement, briser le consensus islamophobe en se solidarisant avec sa candidate face aux attaques de tout le monde politique.

 

Plus le mouvement de l’immigration gagne en cohésion et en fermeté, plus il est à même de demander des comptes, à propos de ses propres préoccupations, aux candidat•e•s, partis, syndicats et associations du monde blanc. Ces interpellations suscitent des désaccords, des polémiques, un éventail de positions dans le champ politique blanc, en premier lieu parce que ce champ politique ne peut pas faire « sans » les non-Blanc•he•s et donc, se dispenser totalement de concessions à leur égard. Si les partis institutionnels, les partis blancs qui soutiennent l’ordre capitaliste, sont incapables de concessions d’ampleur, dans la mesure où leur aile gauche n’a même plus l’ambition de faire des concessions aux classes populaires dans leur ensemble, les partis et organisations de la gauche radicale doivent bien faire avec la réalité que : « lorsque l’on regarde les chiffres officiels de la population française (…) 30 % des milieux populaires (ouvriers et employés) sont issus de l’immigration postcoloniale 3. C’est peut-être à partir de là qu’il faut entendre le mot d’ordre de la mobilisation du 8 mai 2012 qui réunissait bon nombre d’organisations de l’immigration et des quartiers populaires : « Nous ne comptons pas sur eux et ils ne pourront plus faire sans nous ! » 4.

 

C’est à partir de ces éléments d’antagonismes que la minorité (raciale, en l’occurrence) cesse d’être une minorité : en devenant capable de disloquer le groupe majoritaire, l’organisation non blanche bénéficie d’une certaine marge de manœuvre, peut avoir un impact majeur et jouer un rôle prépondérant dans les rapports de force. Cette division de la majorité peut porter des bénéfices bien au-delà de la minorité. En effet, en mettant à jour les difficultés du bloc dominant, ses faiblesses et sa vulnérabilité, le combat minoritaire ouvre des opportunités de transformation et des possibilités d’alliances prometteuses sur de nouvelles bases :

 

    "Si l’homme blanc est l’ennemi, tous les Blancs sont-ils des ennemis équivalents ? –  aussi bien les Blancs qui ont le pouvoir dans ce pays, les dirigeants, que les Blancs qui n’ont pas le pouvoir, et qui sont exploités par ceux qui dirigent – pas aussi exploités que les Noirs, mais exploités aussi ? Si le Blanc est l’ennemi, y a-t-il un moyen de diviser l’ennemi, de le pousser à la séparation, de creuser un fossé au sein des Blancs, de les pousser à se battre les uns contre les autres – au bénéfice du Noir ? Si le Blanc est l’ennemi, y a-t-il un moyen de transformer la situation de manière à ce que certains Blancs soient démobilisés ou neutralisés, ou même, dans certaines circonstances, transformés en alliés ou alliés potentiels du Noir parce que ce serait dans leur propre intérêt ?" (Breitman 1967).

 

Ce qu’il faut entendre dans la proposition de recherche Race et capitalisme, ce n’est ni la mise en concurrence de deux systèmes, ni la subordination de l’un par l’autre, ni une articulation principielle. C’est comprendre sur le terrain de la théorie ce qui se joue sur le plan pratique dans la constitution historique de majorités blanches, leurs contradictions internes et les voies par lesquelles leur hégémonie peut être remise en cause, neutralisée, au profit de nouvelles majorités émancipatrices.

 

 

 

Bibliographie :

 

Allen Theodore, « White Supremacy in U.S. History », un discours prononcé au Guardian Forum on the National Question, le 28 avril 1973.

 

Bouteldja Houria & Khiari Sadri, « L’Évolution en ciseaux des champs de l’antiracisme », 2012.

 

Breitman George, « How A Minority Can Change Society », International Socialist Review, Vol.25 No.2, Spring 1964, p. 34-41.

 

Breitman George, « Myths About Macolm X », discours au Detroit Friday Night Socialist Forum, 1967.

 

Katznelson Ira, When Affirmative Action Was White: An Untold History of Racial Inequality in Twentieth-Century America, WW Norton, 2005.

 

Khiari Sadri, « À propos des mobilisations contre le CPE », http://www.indigenes-republique.fr/, jeudi 6 avril, 2006a.

 

Khiari Sadri, Pour une politique de la racaille, Textuel, 2006b.

 

Lévy Laurent, « La Gauche », les Noirs et les Arabes, La fabrique, 2010.

 

James Cyril Lionel Robert, Les Jacobins noirs, éditions Amsterdam, 2008.

 

Sayad Abdelmalek, L’Immigration ou les paradoxes de l’altérité, Raisons d’agir, 2006.

 

Williams Eric, Capitalism & Slavery, University of North Carolina Press, 1944.

 

 

 

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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 09:49

 

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Et si les rapports des experts en questions stratégiques, dans toute leur aridité, étaient plus à même de nous éclairer sur les vrais enjeux de notre monde que le storytelling des médias occidentaux dominants dégoulinants de «bons sentiments» manipulatoires ? En tout cas, le dernier rapport édité par le ministère français de la Défense, et qui est plus que jamais «à la mode» alors que le sommet de la Francophonie de Kinshasa se prépare fiévreusement [cet article a été publié pour la première fois le 10 octobre 2012, ndlr], gagne à être lu et analysé. Le rapport prospectif à 30 ans dénommé «Horizons stratégiques» décrit les tendances lourdes de la politique extérieure et de défense française à long terme. Ce qui signifie qu’il est, peu ou prou, endossé par les deux principaux partis de gouvernement qui dirigent alternativement la France – et qui se prémunissent avec une solidarité exemplaire contre toute menace qui viendrait troubler leur confortable jeu de ping-pong.

Bertrand Badie, un des plus éminents spécialistes des relations internationales de l’Hexagone, qui dirige L’Etat du monde, encyclopédie géopolitique de référence et enseigne à Sciences-Po Paris, ne s’y est pas trompé. «Hollande est dans la continuité de Sarkozy. Pas tellement sur le verbe et la forme, car les deux hommes n'ont pas le même tempérament, mais sur le plan thématique, sur la ligne politique, François Hollande n'a pas montré de volonté forte de rupture. La politique étrangère a été la grande absente de la campagne électorale, aucun thème n'a été soumis au débat public, il n'est donc pas étonnant que Hollande n'ait annoncé ni proposition nouvelle, ni initiative spectaculaire, ni virage politique. (…) Depuis le début de la Vè république, la gauche n'a jamais fait l'effort de définir ce qu'est une politique étrangère de gauche. François Mitterrand qui avait vilipendé la politique étrangère du général de Gaulle s'est finalement aligné lorsqu'il a accédé à l'Elysée en 1981. Et ses successeurs ne se sont pas beaucoup intéressés à la politique étrangère. Il y a là un manque. Le travail de critique et de réflexion en profondeur n'est pas mené. D'ailleurs, la politique étrangère de Nicolas Sarkozy a été très peu critiquée par la gauche. Il n'y a pas eu de débat sur l'intervention en Libye. Celui sur la réintégration de la France dans l'Otan a été extraordinairement discret», a-t-il expliqué le 27 septembre dernier dans Le Journal du dimanche.

Le style change, mais le fond demeure, donc. Du coup, le document stratégique du ministère de la Défense, visiblement finalisé fin avril dernier – avant donc la débâcle de Nicolas Sarkozy – reste d’actualité. Que dit ce document sur le monde, la France et l’Afrique ?

 

Le déclin de l’Occident anticipé… et redouté

 

Le texte indique que parmi les «lignes de force» des décennies qui viennent, il y a «la fin de la domination occidentale». Nous nous dirigeons manifestement vers «un monde post-américain». Il existe «un risque de déclassement de l’Europe», et «l’affirmation de nouvelles grandes puissances, aux trajectoires toutefois incertaines» (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), devrait se poursuivre. «L’accélération de la mondialisation» est également une ligne de force dans un contexte de «transition géopolitique marquée par une instabilité et une volatilité croissantes». Tout cela, on s’en doutait un peu…

Qu’anticipe donc le document stratégique français en ce qui concerne l’Afrique subsaharienne ? «Vingt ans après la fin de la guerre froide, le continent devrait continuer à voir son importance géopolitique s’accroître sous l’effet de la concurrence économique entre puissances émergentes «du Sud» (Chine, Inde, Brésil) et puissances en déclin relatif (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie). Néanmoins, les sous-régions d’Afrique pourraient évoluer distinctement en fonction de leur environnement extérieur (systèmes Corne/péninsule arabique), Sahel/Maghreb/Europe, Afrique de l’Est/sous-continent indien». Est-ce à dire que, de par la proximité géographique, l’Europe a un «rôle à jouer» bien plus important en Afrique de l’Ouest et en Afrique du Nord qu’ailleurs ? Sans doute. La question qui se pose est la suivante : par quels moyens, dans ces zones spécifiques, les Occidentaux déclinants mèneront-ils la «guerre économique» contre leurs nouveaux concurrents émergents ? L’actualité nous fournit quelques débuts de réponse à cette interrogation, et ils peuvent paraître effrayants.

 

Des «printemps arabes» en Afrique ? Non merci

 

Pourquoi la presse française se passionne-t-elle pour les processus de changements de régime dans le Moyen-Orient, tout en s'indignant si peu des dénis démocratiques dans les pays d’Afrique francophone, où Paris a pourtant les moyens de faire avancer les choses dans le bon sens, à coups d’amicales pressions, loin de la «démocratie des bombes» à laquelle la Côte d’Ivoire, par exemple, a payé un lourd tribut ? Pourquoi, en plein printemps arabe, Ségolène Royal débarque-t-elle à Ouagadougou pour apporter un soutien sans équivoque à un Blaise Compaoré qui veut modifier la Constitution et fait face à la colère de son peuple ? Peut-être parce que les «policy-makers» français ne croient pas en l’avènement d’une émancipation démocratique au sud du Sahara. La pauvreté et le tribalisme seraient des facteurs bloquants. «Une extension généralisée en Afrique subsaharienne des poussées démocratiques arabes paraît peu probable. Si certains éléments structurels (alternance bloquée, jeunesse diplômée au chômage, marginalisation d’une partie de l’armée) peuvent constituer un terreau favorable à un soulèvement populaire, plusieurs caractéristiques limitent de fait les évolutions politiques en Afrique à court et à moyen terme : l’absence de classe moyenne, les divisions identitaires et la faible institutionnalisation de l’État, notamment. Seuls quelques pays, dans lesquels une société civile solide, produit de l’histoire locale (syndicats, églises, chefferies traditionnelles), fait face à un État fort ou à un pouvoir bloqué, sont susceptibles de suivre la voie arabe, si certaines circonstances sont réunies (crise économique, élection grossièrement truquée…)», indique le document. L’analyse n’est pas tout à fait dénuée de fondement, mais les références obsessionnellement ethnographiques de la France officielle quand il s’agit de l’Afrique, par exemple, indiquent d’une certaine manière qu’elle n’est pas pressée que la situation change. Les pouvoirs qu’elle soutient n’encouragent pas, généralement, une plus forte institutionnalisation de l’Etat. N’accompagne-t-elle pas avec enthousiasme un régime Ouattara qui a substitué des milices tribales à une armée nationale et n’a-t-elle pas longtemps soutenu une rébellion ivoirienne qui détruisait l’Etat pour le remplacer par des baronnies féodales dont les «Comzones» sont des figures emblématiques ?

 

Sécessions et migrations

 

«La remise en cause des frontières actuelles pourrait aboutir à la création de nouveaux États ou à des redécoupages plus ou moins violents (Sud-Soudan, Somalie…). La rupture du tabou de l’intangibilité des frontières pourrait avoir des effets en cascade sur l’ensemble du continent, voire au-delà», anticipe le rapport. L’on se souvient forcément qu’à Paris, la perspective d’une sécession du Nord-Mali, tant qu’elle ne disait pas son nom et qu’elle était incarnée par le MNLA, était une option sérieuse. Le soutien à des irrédentismes ou à des séparatismes sera-t-il demain, plus que jamais, un moyen de peser sur des situations géopolitiques ou de «semer l’effroi» parmi des nations africaines désireuses de s’affranchir ou de tester certaines formes d’indocilité ? «Des catastrophes écologiques majeures liées aux premiers effets du changement climatique, notamment dans les zones les plus fragiles, pourraient déboucher sur de vastes mouvements de populations, intra et intercontinentaux, sources de déstabilisation majeure», écrit l’étude. Ce qui se passe dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, militairement conquis par des hommes faisant face chez eux à l’avancée du désert, est-il une préfiguration de ce type de «catastrophes» ? Les grandes villes de la côte ouest-africaine, épuisées par l’exode rural et de «l’abandon» d’une partie du Sahel, pourraient-elles vraiment, en partie, être noyées dans les flots de l’érosion côtière ? Ces questions interpellent les pouvoirs et l’intelligentsia du continent.

 

Le nationalisme africain… menace pour l’Occident !

 

Ce qui est inédit dans ce rapport produit par les experts du ministère français de la Défense, c’est qu’il classe désormais les souverainistes africains comme des ennemis potentiels. «Des crises dites «identitaires», fruit de l’instrumentalisation de catégories communautaires par certains acteurs politiques et économiques (partage du pouvoir et des richesses), pourront encore survenir. Le fondamentalisme, voire le radicalisme, religieux, tant musulman que chrétien, pourrait progresser, en l’absence de perspective d’intégration économique et politique des populations les plus pauvres et, surtout, des jeunes. Parallèlement – et paradoxalement – les sentiments nationalistes et/ou panafricains pourraient se développer, parfois au détriment des intérêts occidentaux». Vous avez bien lu ! Ceux qui pensent une Afrique forte, indépendante, libre de ses choix, y compris en matière économique, sont des menaces pour l’Occident ! Et cela est dit de manière «décomplexée», dans un pays où le discours ambiant, certes souvent en contradiction avec les actes et les pratiques, tient, de Charles de Gaulle à Dominique de Villepin, l’indépendance des nations pour une sorte d’absolu ! Comme si cela n’était pas assez clair, le journaliste Adrien Hart, dans un article publié par Slate Afrique, précise la pensée des rédacteurs du rapport : «Tout le monde garde à l’esprit les violents appels anti-français de leaders politiques pro-Gbagbo lors de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. L’avenir africain verra-t-il la multiplication de clones de leaders populistes comme Charles Blé Goudé ou de Julius Malema ? On ne le souhaite pas.» Et si ce background structurel était une clé permettant de comprendre la structure intellectuelle de ceux qui ont «pensé» l’assimilation grotesque du groupe islamiste Ançar Dine et de l’opposition ivoirienne en exil ? N’était-il pas question, au final, d’assimiler deux types d’acteurs qui représentent les menaces absolues ? Et si, au fond, la France officielle «préférait» d’une certaine manière les salafistes, dont la dangerosité est facile à «vendre», aux nationalistes africains, contre qui les opinions européennes comprendraient moins que l’on aille en guerre ? Ce débat n’est pas superficiel. Dès lors que l’on se convainc de ce que la principale menace identifiée par les stratèges officiels de l’Hexagone est le réveil de ce que nous appelons volontiers «l’Afrique digne», il devient évident que l’alliance avec des forces représentant la féodalité tribale voire le fanatisme religieux peut être envisagée contre les souverainistes africains. Les guerres civiles et les sécessions deviennent dans ce contexte des «problèmes» certes. Mais des «problèmes» qui légitiment une présence militaire, donc stratégique, accrue et vertueusement présentée. Puisqu’il s’agit de sauver l’Afrique contre elle-même en «empêchant les massacres».

 

La France veut continuer d’occuper militairement l’Afrique

 

Il y a une quinzaine d’années, la mode était aux concepts mettant en avant le retrait progressif de l’armée française du continent au profit de forces africaines de maintien de la paix. Ce n’est plus le cas. Ainsi, le rapport «Horizons stratégiques» met en valeur deux tendances lourdes attendues : un affaiblissement économique de l’Europe et un maintien plus que jamais d’actualité de la présence militaire française. L’amoindrissement de la part relative de l’Europe en tant que principal fournisseur d’aide publique au développement est susceptible d’affecter le tropisme européen des pays d’Afrique subsaharienne au profit des puissances émergentes majeures», peut-on ainsi lire. «Résultant de l’incapacité des États à contrôler leur territoire, la multiplication et l’extension des « zones grises », concentrant groupes criminels organisés (trafiquants, terroristes) et groupes rebelles, pourraient nécessiter des interventions occidentales auxquelles des pays européens, et la France en particulier, pourraient être amenés à participer», indique le rapport. La France a l’intention, dans les prochaines décennies, d’investir plus que jamais l’Afrique, qui «restera une zone de convoitises et de confrontations potentielles et une zone d’intérêt stratégique prioritaire pour la France». Le rapport trace les contours d’un mode d’intervention qui n’entend pas changer en Afrique, y compris au cœur des grandes villes. «Le renouvellement des accords de défense avec plusieurs partenaires africains confère à la France des responsabilités particulières en matière d’assistance, appelées à s’inscrire dans la durée. La présence de nombreux ressortissants français dans les villes, dans un contexte de forte insécurité, devrait renforcer la nécessité de disposer de capacités d’évacuation adaptées. Celles-ci devront de plus en plus être coordonnées au niveau international et avec les acteurs locaux, notamment privés», écrivent les rapporteurs. Qui préfèrent nourrir la perplexité quant aux capacités de l’Union africaine qu’il est plus que jamais question de contourner, voire de délégitimer. Au profit, sans doute, d’institutions vassales (comme la CEDEAO) ou d’institutions en partie contrôlées par Paris : Union européenne, ONU, etc… «La France continuera d’accompagner les organisations continentales et sous-régionales africaines dans le développement des instruments de sécurité collective, en privilégiant les cadres multilatéraux (UE, Onu, etc.). L’insuffisance probablement persistante des instruments de sécurité collectifs placés sous l’égide de l’Union africaine, quels qu’en soient les progrès en termes capacitaires, renforcera le besoin de politiques globales alliant sécurité, développement et gouvernance selon des axes bilatéraux et multilatéraux ad hoc et la mise en place de partenariats régionaux efficaces», écrivent les rapports. Voilà qui est clair. Il revient désormais au leadership africain «non aligné» d’en tirer toutes les conséquences. Froidement.

 http://www.nouveaucourrier.info/

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14 octobre 2012 7 14 /10 /octobre /2012 12:27

Appel pour un débat national sur les réparations liées à l'esclavage

Le Monde.fr | 12.10.2012

Par Collectif

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En France, les réparations liées à l'esclavage demeurent un sujet tabou. Dans les Outre-mer et dans la société française dans son ensemble, les questions liées à l'esclavage sont encore source de colères, de ressentiments et de problèmes non résolus. La traite négrière est l'un des phénomènes qui ont le plus bouleversé l'humanité (conséquences démographiques, politiques, économiques, sociales, culturelles sur plusieurs continents). Elle a laissé des traces profondes et durables.

La question des réparations ne date pas d'hier. Beaucoup de gens l'ignorent, mais, après l'indépendance d'Haïti, les colons français ont exigé des réparations en invoquant le " préjudice " que leur faisait subir la liberté nouvelle conquise par les esclaves. En 1825, Charles X a donc envoyé une flotte de guerre de 14 navires. Pour éviter que son peuple ne retombe en esclavage, le président Boyer a alors "accepté" le tribut de 150 millions de francs-or imposé par la France (ramené ensuite à 90 millions grâce au "Traité de l'amitié" signé en 1838). Pour payer cette somme, le peuple haïtien a dû s'endetter jusqu'en 1946. Depuis lors, les Haïtiens n'ont jamais cessé de demander restitution de ce tribut, dont le montant actualisé s'élève aujourd'hui à 21 milliards de dollars. Beaucoup de gens l'ignorent également, mais en 1849, au lendemain de l'abolition de l'esclavage dans les autres colonies françaises, des réparations ont à nouveau été octroyées... aux propriétaires d'esclaves.

Dès la fin du XVIIIe siècle, et tout au long du XIXe siècle, la question des réparations pour les victimes de l'esclavage a été posée, par les esclaves, bien sûr, mais pas seulement. Au XXe siècle, de nombreuses personnalités ont également pris position en ce sens : Martin Luther King, Malcolm X, Aimé Césaire, Frantz Fanon, Desmond Tutu, l'archevêque sud-africain prix Nobel de la paix, Wole Soyinka, l'écrivain nigérian prix Nobel de littérature, et bien d'autres encore. En 2001, lors de la 3e conférence des Nations Unies contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance qui y est liée, ce sujet a été un enjeu important. De nombreux Etats ont estimé que les réparations constituaient une revendication légitime, et la traite négrière et l'esclavage ont été reconnus par la communauté internationale en tant que crimes contre l'humanité.

En France, la loi du 21 mai 2001, dite Loi Taubira, obtenue après une longue mobilisation par des associations, des élus, des artistes et des chercheurs, a constitué un geste de réparation symbolique, historique et culturelle. Le Comité pour la mémoire de l'esclavage, installé en 2004 en application de la Loi Taubira, a contribué à la transformation du regard de la société française sur cette histoire. Un monument et une stèle ont été inaugurés au Jardin du Luxembourg, des mémoriaux ont été construits en Martinique, à La Réunion, en Guadeloupe et à Nantes. Des musées ont intégré cette histoire ; dans la recherche, les travaux se sont multipliés ; des associations ont réalisé des projets en faveur de la mémoire.

Mais aujourd'hui, il convient de relancer le débat sur les réparations pour discuter de nouvelles actions et politiques publiques, permettant de répondre à l'héritage durable de l'esclavage colonial : racisme anti-Noir, discriminations, inégalités. Aux États-unis, en l'an 2000, la Californie a voté un texte qui oblige les compagnies travaillant avec l'État à révéler si elles ont bénéficié de l'esclavage par le passé. Dans les années qui ont suivi, des textes plus ou moins semblables ont été votés dans l'Iowa, dans l'Illinois, à Chicago, Los Angeles, Cleveland, Atlanta, Baltimore, Dallas, Philadelphie, Detroit, New York, Berkeley, Milwaukee, Oakland, San Francisco, etc. En 2005, la banque JP Morgan Chase a été contrainte par la loi en vigueur à Chicago de reconnaître que son capital initial s'était constitué en partie sur la base de l'esclavage. Bien qu'elle n'y soit pas légalement obligée, l'entreprise s'est engagée dans un processus de réparation en accordant 5 millions de dollars de bourses d'études pour les jeunes des ghettos noirs de Chicago. De même, des établissements comme Bank of America, Wachovia Corporation, Lehman Brothers, Aetna ont été (légalement) obligés de révéler leurs liens avec l'esclavage, puis (moralement et médiatiquement) obligés de mettre en place des programmes de réparation.

En France, la loi Taubira reconnaissant l'esclavage en tant que crime contre l'humanité comportait au départ un article libellé de la sorte : "Il est instauré un comité de personnalités qualifiées chargées de déterminer le préjudice subi et d'examiner les conditions de réparation due au titre de ce crime. Les compétences et les missions de ce comité seront fixées par décret en conseil d'état." Mais cet article a été écarté en commission, et c'est un texte de loi amputé qui a été voté le 10 mai 2001. Aujourd'hui, il est temps de relancer le débat sur les réparations : où sont passés les flux financiers générés par la traite négrière ? Si tout n'est pas réparable, que peut-on réparer cependant ? Comment, et dans quelles conditions ? Comment a-t-on fait à l'étranger ? Que peut-on faire en France ? Autant de questions qui se posent. Il n'y a pas de réponse toute faite, mais encore faut-il que le débat public puisse avoir lieu.

Reçues à Matignon le 29 mai dernier, des associations ont interpellé le premier ministre sur le sujet, et attendent sa réponse. Mais il faut que la représentation nationale s'implique également. Des députés, des sénateurs, des groupes politiques pourraient réfléchir aux initiatives parlementaires pertinentes dans le domaine. Par ailleurs, des métropoles comme Paris ou Lyon, mais aussi des villes portuaires comme Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Le Havre, Saint-Malo, Rouen, Vannes, Lorient, Marseille pourraient envisager d'adopter des mesures similaires à celles votées en Californie.

Enfin, il faudrait que les universitaires, les intellectuels, les artistes, les journalistes, les défenseurs des droits humains, les citoyens et citoyennes de tous horizons qui s'interrogent, réfléchissent et se mobilisent puissent trouver un lieu légitime et officiel où débattre de leurs idées au niveau national.

> A l'heure où le sujet est discuté dans le monde entier, à l'ONU, à l'UNESCO, à l'Union Africaine, aux États-Unis, en Jamaïque, au Brésil, et ailleurs, la France peut jouer un rôle en s'impliquant davantage au niveau national et international. On peut avoir des positions très diverses sur le sujet, mais on ne peut demeurer plus longtemps dans le silence, ou dans l'indifférence : l'ère du tabou est terminée ; l'heure du débat est arrivée.

Parmi les premiers signataires figurent : Louis-Georges Tin, président du CRAN, Etienne Balibar, philosophe émérite, Paris Ouest-Nanterre, Olivier Besancenot, ancien porte-parole du NPA, Jean-Jacob Bicep, député européen EELV, Matthieu Bonduelle, président du Syndicat de la Magistrature, Nicole Borvo Cohen-Seat, sénatrice PCF, Annick Coupé, porte-parole de l'Union syndicale Solidaires, Daniel Cohn-Bendit, députée européen EELV, Sergio Coronado, député EELV, Doudou Diène, ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme, Pascal Durand, secrétaire national d'Europe Ecologie Les Verts, Mireille Fanon Mendès-France, présidente de la Fondation Frantz Fanon, Assani Fassassi, président du Coffad, Sylvie Glissant, Institut du Tout-Monde, Eva Joly, députée européenne, EELV, Jack Lang, ancien ministre de la culture, ancien ministre de l'éducation, Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, Garcin Malsa, président du MIR, Noël Mamère, député EELV, Edgar Morin, philosophe, médaille d'or de l'UNESCO, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, Françoise Vergès, présidente du Comité pour la Mémoire et l'Histoire de l'Esclavage

 La liste intégrale des signataires se trouvent sur le site du CRAN.

 

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